On dit parfois qu’un couple amoureux traverse plusieurs crises dans sa construction : le passage de la fusion à la différenciation au bout de 3 ans, puis de la différenciation à l’attachement après 7 ans, sans parler des événements de la vie.
En irait-il de même avec une entreprise ? Si le cap des 3 ans a été heureux dans mon cas, mon activité ayant fait un bon de l’auto-entreprise au régime de l’entreprise individuelle, les nuages se sont bien amoncelés au-dessus de ma tête lors de la septième année… qui était aussi la troisième en EI.
2015, année noire
Si 2014 fut une année faste pour mon activité, le millésime suivant ne restera pas dans les annales. Observons ces deux années à la lumière de quelques chiffres révélateurs.
- Une cinquantaine de factures émises en 2014, moins de la moitié en 2015.
- Un chiffre d’affaires en dégringolade de 90 % en glissement annuel.
- Un montant moyen des factures divisé par 5.
- De 6 donneurs d’ordres réguliers en 2014 à 10 clients ponctuels l’année suivante.
- 1 client représentant 80 % du CA en 2014, 3 clients autour de 25 % en 2015.
- Les droits d’auteurs ont dépassé les honoraires pour la première fois.
Comment expliquer un tel delta d’une année sur l’autre ? Tout d’abord, par l’exceptionnel cru 2014, point culminant de ma carrière à ce jour. Ensuite, par un fâcheux concours de circonstances dès les premières heures de la nouvelle année : un client en redressement judiciaire, un autre cesse toute activité de traduction, un troisième change son organisation interne et renouvelle ses prestataires, un quatrième délaisse la traduction au profit des réseaux sociaux, un cinquième, enfin, quitte son poste. Fâcheux, vous dis-je.
Ma petite entreprise… connaît la crise
Mon idylle entrepreneuriale aurait-elle fait long feu ? D’un point de vue comptable, l’affaire est mal embarquée. Heureusement, mon activité de traducteur d’édition a compensé le trou noir libéral : encore 5 livres traduits en 2015, pour un volume total de près de 1 500 feuillets (portant à 38 le nombre de traductions et collaborations totales sur des livres).
L’édition (et ma formidable épouse) m’a donc permis de rester à flots. Pour mieux rebondir. Mais comment ?
Je me suis sérieusement posé la question : mettre un terme à mon activité libérale et ne garder que l’édition ? Repasser à un régime simplifié de micro-entreprise ? Poursuivre coûte que coûte ?
J’ai choisi de poursuivre. Et d’utiliser mon temps libre à bon escient. Pour commencer, en prenant du temps pour moi, pour faire tout ce que je n’ai pas pu faire au cours des mois surchargés précédents : profiter de ma famille, partir au vert, faire des travaux chez moi, me consacrer à mes hobbies (guitare, yoga, course à pied). Mens sana in corpore sano.
Et du point de vue professionnel, j’ai mené à bien mon mandat au comité directeur de la SFT, j’ai renouvelé mes outils de travail, j’ai rafraîchi mes connaissances et mes compétences, j’ai élargi mon réseau en faisant ma présentation « Traduire le Sport » à Expolangues, à Nantes pour la SFT et encore en février 2016 au Salon de la Mobilité et du Travail.
Ensuite, il a fallu remettre le pied à l’étrier et relancer des campagnes de prospection, chose que je n’avais plus faite depuis plusieurs années. On met à jour le CV, les lettres de contact et on active tous les réseaux possibles : anciens clients et prospects, collègues et proches, associations professionnelles, LinkedIn.
Démarcher. Se vendre. Parler. Écouter. Relancer. Résister. Attendre.
Quels enseignements tirer ?
Personne n’est à l’abri d’un trou d’air. On le répète assez souvent, mais il est essentiel de rester actif, surtout lorsque l’on exerce en libéral de chez soi. Le risque de sombrer dans une forme d’inertie est grand. Pour cela, rien de mieux que les réseaux professionnels et les amis. Comme me l’a récemment dit une amie : « En fait, t’es comme un intermittent ». Pas loin, en effet.
Bien entendu, se constituer un éventail de clients diversifié est indispensable, mais cela ne suffit pas toujours. Il est nécessaire de rester constamment à l’écoute des possibilités commerciales, de ne pas trop privilégier un client aux dépens des autres, de se fermer un minimum de portes.
Je n’ai pas encore retrouvé mon rythme de croisière. Mais je suis toujours à flot. Ma petite barque a résisté à cette première bourrasque et en traversera d’autres. Quoi qu’il en soit, rien ne m’enlèvera le plaisir d’être à mon compte ni le bonheur de traduire.
Il serait intéressant de savoir si « le trou d’air » est ressenti par tes collègues free lance? Si donc il s’agit d’un phénomène fortuit – donc passager – ou du retentissement d’une évolution économique ou technologique, qui donc demanderait une réadaptation de l’approche du travail ou du marché.
Merci de ce partage, Laurent. Ça fait du bien de savoir qu’on traverse tous les mêmes périodes de difficultés à un moment ou à un autre… et qu’on peut s’en sortir !
Même si cet article date de 2016, je trouve ça super que tu partages ici tes réflexions et tes actions en temps de crise. On peut facilement appliquer tes propos à n’importe quelle année difficile, finalement. C’est un peu mon cas en ce moment. Mon volume de travail a fortement baissé, mais au début, je ne m’en suis pas inquiétée plus que cela, je profitais du temps libre pour prendre soin de moi et dessiner. À la fin de l’année dernière, j’ai décidé de me respécialiser dans la traduction littéraire après 10 ans de bons et loyaux services dans la traduction technique et financière pour me tourner vers le développement personnel, qui me passionne énormément. Quitte à profiter d’un « trou d’air », autant se poser des questions sur son activité, non ?
Ton blog est toujours une source d’inspiration pour moi et chaque fois que j’ai un petit coup de mou, que je ne sais plus trop par où prendre le taureau (oui, je sais, c’est par les cornes, mais des fois, on n’a pas les idées claires !), je repasse sur ton blog et relis certains articles, ça me remotive et m’inspire à continuer dans ce que j’aime. Donc merci beaucoup !
Merci à toi pour ce beau commentaire qui fait chaud au coeur. Ce sont ce genre de remarques qui m’incitent à laisser la partie blog en ligne, même si les articles ne sont plus d’actualité, et qui me poussent à en ajouter d’autres de temps en temps ! Tu as raison, il faut savoir profiter des trous d’air pour se poser des questions, c’est une démarche très saine et c’est ce qui permet de tenir sur le long terme !