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L’auto-entrepreneur libéral… Le retour !

Ça bouge enfin ! D’après le Blog de l’auto-entrepreneur, le Sénat a approuvé comme prévu l’amendement à la loi de modernisation de l’économie permettant aux professions libérales relevant de la CIPAV d’adhérer au statut de l’auto-entrepreneur. Les « professions libérales pures » comme la traduction ou l’interprétation devraient donc pouvoir adhérer à ce statut à partir de la mi-février selon ce même blog.

La nouveauté par rapport à mes messages précédents est que le taux de cotisations a été ramené à 18,3% (et non 20 ou 23%), ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour qu’il n’y ait pas d’autres obstacles de dernière minute !

Des mots à foison

Dans les commentaires de mon message précédent, TTT a soulevé plusieurs questions intéressantes, notamment au sujet de ce fameux coefficient de foisonnement (j’ai croisé également le terme « étoffement »). Le site de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) nous propose cette définition :

Foisonnement (coefficient de) : Il s’agit du pourcentage d’augmentation (ou de réduction) que présentera le texte une fois traduit. Il dépend de la langue à traduire, à titre indicatif, il est environ de +10% pour l’anglais, dépasse les +20% pour l’allemand, est faible pour l’italien. Plus le texte est technique, plus le coefficient risque d’être élevé.

Pour illustrer ces propos, prenons un texte source anglais de 500 mots. Sa traduction en français comportera vraisemblablement plus de mots, environ 550-600. Un simple exemple : please se traduit (entres autres) par « s’il vous plait », soit trois mots selon le compteur de Word. Par ailleurs, la plupart des mots composés anglais sont souvent attachés directement, sans trait d’union, du fait de la grande souplesse de la langue. Ainsi, des mots comme « coucher de soleil » (sunset), « pont-levis » (drawbridge) ou « brosse à dents » (toothbrush) augmentent considérablement le nombre de mots en français. D’autre part, il est généralement admis que les anglophones ont tendance à être plus directs que nous, à moins broder. En français, les phrases sont plus longues, plus alambiquées. Dès lors, on peut se demander si la culture d’un peuple façonne sa langue, et/ou si c‘est la langue qui façonne la culture.
Selon les combinaisons, ce coefficient est très variable. À titre indicatif, lorsque je travaillais pour Lingua ESIT, nous établissions nos devis sur la base ci-après. Ces chiffres diffèrent légèrement de la définition de l’ATLF, mais ce n’est bien sûr pas une science exacte.

  • Anglais > français : 20%
  • Italien > français : 15%
  • Espagnol > français : 0% mais français > espagnol : 10%
  • Allemand > français : 30%

En quoi ces chiffres sont-ils intéressants pour la traduction ? Si en règle générale, les tarifs de la traduction s’entendent « au mot source », certains clients peuvent exiger un devis au mot cible. Le coefficient de foisonnement intervient ici pour estimer le nombre de mots que contiendra le texte traduit, qui permettra ainsi d’établir un devis. Dans le cas d’une traduction technique, pour avoir une idée du prix que le client devra payer, on multipliera le tarif au mot par l’estimation du nombre de mots cible.

Une autre solution, plus simple et plus transparente, consiste à simplement augmenter ses tarifs de l’équivalent du taux de foisonnement, soit de 10 à 20% en plus, pour un texte de l’anglais au français facturé au mot cible.

Quant à savoir si le taux de foisonnement évolue en fonction de la nature du texte, comme me le demandait TTT, mes arguments s’entrechoquent : d’une part, j’aurais tendance à penser que c’est effectivement le cas, puisqu’un langage technique est par définition un sous-ensemble d’une langue. Le lexique technique limite donc le foisonnement. Mais d’autre part, les arguments que j’ai donnés plus haut sont toujours valables.

Je suis curieux de connaître votre avis à ce sujet, n’hésitez pas à laisser vos commentaires !

Les tarifs de la traduction technique

[Article mis à jour le 18  décembre 2013]

Voilà un sujet bien vaste et ambitieux : quels tarifs pour quelles traductions ? À cette question délicate, je n’apporterai pas de réponse chiffrée. Il est bien évidemment impossible de déterminer un prix unique pour une prestation intellectuelle comme la traduction. Cependant, bien que je ne sois pas « dans le circuit » depuis très longtemps, j’ai pu bénéficier de l’expérience de plusieurs traducteurs chevronnés, des conseils précieux qu’il convient donc de partager, pour que nous puissions continuer à vivre de notre métier.

Les jeunes traducteurs sont particulièrement exposés à cette question. Quel chiffre indiquer lorsqu’un client ou une agence nous demande nos tarifs au mot ou à l’heure ? Doit-on facturer au mot source ou au mot cible ? Et bien tout dépend ! Les facteurs déterminants sont nombreux : la combinaison linguistique, la nature du texte, son support, le délai, le client, la qualité de rédaction, etc.

Pour se faire une idée du marché de la traduction technique, le plus simple est encore de consulter les études menées par la Société française des traducteurs (SFT), qui publie régulièrement des documents sur les habitudes tarifaires des traducteurs. La dernière en date a été publiée en 2010 et est disponible gratuitement sur le site de la SFT. On y constate par exemple que le tarif moyen d’une traduction technique de l’anglais vers le français pour un client direct est de 0,14 € par mot source, mais peut s’élever jusqu’à 50 centimes ! On peut également voir que la traduction laotien-français est plutôt rentable, avec une moyenne de plus de 1,50 € par mot ! (Certes, pour une seule réponse, mais serait-ce la réponse à mon message du 12 décembre ?) Cette étude détaille également les habitudes de facturation, les majorations, la clientèle, les types de textes et autres pratiques professionnelles de plus de 1 000 traducteurs interrogés.

Une enquête similaire a été lancée par une agence de traduction, TradOnline. Également très intéressante, elle est disponible en suivant le lien à la fin de ce message. Pour les traducteurs littéraires, le Conseil européen des associations de traducteurs littéraires (CEATL) publie une enquête comparative sur les revenus des traducteurs en Europe.

J’en profite pour vous renvoyer vers des blogs de traducteurs expérimentés qui prodiguent de nombreux conseils à lire absolument !

Téléchargez les enquêtes sur les tarifs de la traduction :

 

Accords et désaccords

Fin novembre, la ville la plus peuplée de l’Inde a connu son « 9/11 » à son tour, une série d’attaques terroristes causant plus de 150 victimes à travers la ville. Il s’agit bien entendu de la ville de Bombay.

Ou bien serait-ce Mumbai ? Lors de ces évènements, les médias français ont donné l’impression de ne plus savoir où donner de la tête. Le sujet à été largement repris par la blocnotosphère, comme par exemple dans cet article écrit par les correcteurs du Monde. Quant à Wikipédia, on peut y lire :

Le nom Mumbai provient de la contraction de Mumba ou Maha-Amba, nom de la déesse hindoue Mumbadevi qu’auraient jadis vénérée les habitants des lieux et de Aai, « mère » en Marathi, la langue régionale dominante. Lorsque les Portugais s’approprièrent les îles de Bahâdûr Shâh en 1534, le premier gouverneur aurait utilisé le terme de Bom Bahia (« la bonne baie ») pour décrire la péninsule et la sécurité qu’apporte le port. Ce nom a évolué en Bombaim qui est utilisé aujourd’hui en portugais moderne.

D’autres sources, notamment le lexicographe portugais Jose Pedro Machado, rejettent l’hypothèse de Bom Bahia au profit d’une corruption progressive du nom marathi de Maiambu (comparable à l’actuel Mumbai) en Mombaim, puis Bombaim, au cours du XVIe siècle, l’étymologie couramment admise n’étant qu’une reconstruction postérieure. Lors de la colonisation par les Britanniques, ce nom a été anglicisé en Bombay […]

En 1995, […] les autorités locales décident de renommer Bombay en Mumbai afin de démarquer la ville de son passé colonial.

Quant à l’usage français, si aucune préconisation officielle n’existe, il semble que les vieilles habitudes aient la vie dure pour que les plus grands médias français (Libé, le Monde, le Figaro, l’Express…) s’obstinent à parler de Bombay.

Le problème se pose pour bien d’autres villes encore, en Inde toujours, avec Chennai (ex-Madras), mais aussi dans d’autres pays. Ce débat est notamment traité par le journaliste Europe de Libé, Jean Quatremer, sur son blog Les Coulisses de Bruxelles (excellent blog que je recommande fortement). UE oblige, « J4M » s’attaque à l’ex-Tchécoslovaquie, devenue Slovaquie et République tchèque le 31 décembre 1992. Et pourquoi pas République slovaque et Tchéquie ? De même, doit-on dire « Biélorussie » ou « Belarus » ?

Pour info, Wikipédia propose également cette page (en anglais) sur les comparaisons entre les langues. Riche mais fouillis, on y trouve par exemple les différences entre l’anglais britannique et américain ou entre le slovaque et le tchèque, ainsi que la traduction des noms de villes du monde dans une foultitude* de langues.

*Oui, « foultitude » existe, c’est confirmé par nos amis Bob et Larousse !

Fin de party

Puisqu’on est dans les mauvaises traductions, je tenais à évoquer une petite chose agaçante, non seulement en tant que traducteur mais aussi en tant que téléspectateur lambda : les (mauvaises) traductions des (mauvaises) séries américaines.

Très bien, je l’admets : lorsque je rentre chez moi après ma journée de travail, je me lobotomise l’esprit devant tout et (surtout) n’importe quoi à la télévision. Mais mon cerveau atteint sa tolérance limite lorsque j’entends parler « d’organiser une partie d’anniversaire » dans une série comique du début des années 1990…

La traduction audiovisuelle est un métier difficile, j’en conviens. Mais il me semble que les traducteurs de l’époque (pour cette série du moins) ne se sont pas foulés. Les doublures n’étaient déjà pas fameuses (les acteurs pourraient parler suédois, la synchronisation des lèvres ne serait pas bien différente pour la ménagère française) mais traduire birthday party par « partie d’anniversaire » me semble relever d’un grave manque de professionnalisme. Voire d’une fainéantise extrême. C’est quoi qu’il en soit une traduction qui déroge à la règle de base de la « transparence du traducteur ». On pourrait même l’assimiler à une trahison du sens de départ ; à moins qu’une « partie d’anniversaire » ne soit juste un bout de gâteau avec une demi-bougie et des bras d’invités.

Certes, depuis vingt ans, le travail du traducteur a considérablement évolué avec les nouvelles technologies. Mais pourquoi ne pas tout simplement traduire party par « fête », « soirée » ou même « boum » (qui à l’avantage de coller à l’époque de la série), qui sont autant de solutions convenables sans pour autant nuire (davantage) au timing ou à la synchronisation des lèvres.

Moi qui suis un fervent adepte des séries et films en version originale, j’ai tout de même l’impression que la qualité des traductions s’est globalement améliorée. Mais vous, que pensez-vous des sous-titres et des doublures d’aujourd’hui ?