Joyeuse traduction de Noël !

Dimanche dernier, la première chaîne nationale a diffusé le film Joyeux Noël*, illustrant la fraternisation des factions ennemies dans les tranchées durant l’hiver 1914. Sans parler de l’aspect artistique de la réalisation, TF1 a fait le choix – discutable – de proposer une versiondu film intégralement traduite en français. Sachant qu’une grande partie de l’intérêt réside justement dans la transcendance des différences culturelles et linguistiques dans les tranchées à l’occasion d’un évènement religieux partagé, délaisser le facteur multilingue me semble être un mauvais calcul.

Pour mettre ma réflexion en contexte, le film s’inspire des récits évoquant les épisodes de fraternisation entre les soldats français, britanniques et allemands autour d’un no man’s land de quelques mètres carrés. La veille de Noël, les trois camps décident de poser les armes et de fraterniser le temps d’échanger quelques mots, des denrées, une partie de foot et d’enterrer leurs morts.

Cette fraternité est marquée par la barrière linguistique que chacun s’attèle à dépasser sans connaitre la langue de l’autre. Et voilà que TF1 nous propose une version édulcorée du film (normalement trilingue), complètement doublée en français, où le sens des images fini par nous échapper. Il devient ainsi difficile de comprendre pourquoi une cantatrice Suédoise répète deux fois de suite la même phrase en s’excusant au milieu, sans raison apparente. Ce n’est qu’en connaissant la version originale du film que l’on comprend que cette Anna Sörensen s’adresse en allemand à deux Français avant de se reprendre et de reformuler sa requête dans un français approximatif. Sans parler des échanges entre soldats de nationalités différentes, gesticulant pour se faire comprendre, qui tournent au ridicule puisque la fameuse ménagère de moins de cinquante ans les entend tous parler français sur TF1.

On ne peut donc que déplorer que les choix commerciaux des chaînes de télévision se fassent au détriment même de l’intérêt des films. Celui-ci aurait mérité un meilleur sort, peut-être en passant sur d’autres chaînes, comme Arte par exemple.

*Joyeux Noël (2005), de Christian Carion, avec Guillaume Canet, Diane Krüger, Dany Boon et Daniel Brühl

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